Conçue dès sa création, en 1669, comme une véritable entreprise de spectacle et de main d’œuvre dans laquelle les artistes sont des salariés, et non des partenaires, l’Académie royale de musique a la réputation d’être d’une maison fort peu disciplinée. Enjeu crucial, la gestion des membres les plus éminents du personnel artistique, à une époque où émerge le vedettariat, apparaît comme une condition nécessaire pour assurer le bon déroulement des diverses activités de l’établissement. Or durant tout l’Ancien Régime les relations entre les vedettes et leur administration sont placées sous le signe de la chicane et des scandales abondamment médiatisés : les directeurs sont confrontés en permanence à de nombreux conflits qui prennent la forme de véritables guerres intestines, qu’il s’agisse de protester contre des mesures disciplinaires jugées injustes ou inappropriées, de remettre en cause les décisions prises par les différents responsables hiérarchiques, du refus de se subordonner à des règlements qui croissent en précision et en sévérité ou d’exprimer le désir de s’autogérer.En se fondant sur des documents d’archives internes à l’Opéra (Séries O1 et AJ13 des Archives nationales) ainsi que sur la presse (Mercure de France, Mémoires secrets pour servir à l’histoire de la République des lettres, Journal de Paris), cet article se propose d’étudier les différentes modalités de la gestion des vedettes par l’administration de l’Opéra, d’analyser les conflits et leur implication pour l’institution, en s’appuyant tout particulièrement sur le cas d’Antoinette de Saint-Huberty, archétype de la vedette au XVIIIe siècle.